Elvira - I'm only a crack in this castle of glass

(one) Je suis née en même temps que trois autres têtes. Aînée des quadruplées, j'ai très souvent ennuyé mes soeurs en leur rappelant gentiment que je n'avais peut-être pas des années en plus, mais je restais l'aînée de par mes quelques minutes d'avance.

(two) J'ai été élevée, comme les sept autres - oui, sept, on est huit enfants et deux parents -, dans une mentalité religieuse : catéchisme, messe le dimanche matin, baptême, communion... Les cours, les préceptes connus et re-connus. Je ne me suis jamais écartée de cette religion et de cette façon de voir la vie. Bien entendu, j'ai réinterprété certaines choses que mes parents voyaient d'un oeil "vieux".

(three) Toute mon enfance, je me suis sentie mal dans ma peau. Durant l'adolescence, alors que les jeunes filles développaient des attributs féminins, moi, je n'avais rien. J'aurai dû être embêtée mais non, je ne me sentais pas mal d'être masculine, autant dans mon comportement que dans mon physique. Je me sentais bien ainsi, naturelle... Et plus les années passaient, plus je me sentais homme, non pas femme. C'était une évidence à mes yeux. Quel que soit mes préceptes religieux, c'était ainsi que je me voyais, me sentais...

(four) J'ai toujours été casse-cou. J'aimais monter dans les arbres, m'écorcher les genoux à cause des troncs, me blesser en tombant du vélo où j'avais eu la bonne idée de me mettre, debout, sur la salle, en tenant le guidon... Bref, ce genre de petites idiotes d'enfant. ça m'a quand même valu une belle balafre sur la taille, du côté gauche. Une chute, une pierre coupante. Bonjour les dégâts !

(five) Malgré ma croyance en Dieu, j'ai toujours été attirée par la cryptozoologie. Ce qui est complémentaire : comment pouvions-nous nous proclamer catholique et de croire en l'existence d'un Être dont l'Existence n'a jamais été démontrée, mais qu'à côté, nous dénigrions les "monstres" pouvant exister mais sans preuve ? Alors, attirée par ces légendes, ces mythes, ces théories, j'ai recueilli des informations. Mon petit plaisir secret, mon activité dont seul un vieux cahier est la preuve de mes recherches enfantines. Adulte, tout était désormais sur un disque dur. Plus sûr et moins facile d'accès, hein, les soeurs fouineuses ?

(six) J'ai toujours eu un esprit "vif", capable d'apprendre rapidement, d'assimiler. ça m'a valu de sales surnoms - "l'intello", "grosse tête", surtout lors d'une myopie passagère, résorbée durant les années - mêlés à ceux concernant mon physique. ça m'a valu des félicitations, des regards en biais, accusateurs, des attentions intéressées ou jalouses... Et ça m'a permis de sauter des classes. Assez pour que, l'année de mes dix-sept ans, je sois universitaire.

(seven) La médecine était un choix parmi tant d'autres. J'étais partie dans un major en biologie, minor en physique. Mon amour de la science l'emportant sur tout le reste. J'ai fini par suivre des cours de médecine, comme ça... Enfin, pas que. En plus d'être un métier attirant - au bout de longues années d'études -, je voulais être "parfaite" aux yeux de mes parents. Qu'ils n'aient rien à me dire. Aucun moyen de me repousser, de me renier. Ce qui m'aurait été fatal...

(eight) L'université, au début, ça a été très dur. Grâce à mes résultats, j'avais reçu des bourses. Dont l'une à Harvard. Sauf qu'entre Chicago et Boston, il y avait beaucoup de distance. Une distance atroce pour moi qui vivais depuis ma naissance dans cette ambiance si groupée, si familiale. La séparation a été très dure. Très. Les premières semaines, je pleurais dans ma chambre universitaire. Je trouvais un moyen de contacter un membre de famille. J'étais seule et je n'avais qu'une envie : rentrer. J'ai failli abandonner. Plus d'une fois. Entre le travail et l'absence de ma famille, je n'en pouvais plus...

(nine) Elle. Ah, elle. Une étudiante de Droit. Elle avait quelques années de plus. Elle allait finir son major et faire des études pour être avocate. On s'est rencontrées sur le campus, dans le parc. On a discuté, on a ri ensemble, on a échangé nos numéros et tout s'était enchaîné à partir de ce moment là. Première relation amoureuse. Première relation homosexuelle. Première personne au courant de ce désir de devenir homme que je mûrissais depuis mes 15 ans - même mes soeurs quadruplées ne sont pas au courant -. Elle a été tout. C'était fusionnel, intense. Mais aussi, tendre et doux. Une idylle comme dans les histoires, sauf que nous la cachions car j'avais trop peur du regard des autres. Mais dont la fin était bien moins heureuse...

(ten) Première année réussie. Je retournais auprès de ma famille, de mes frères et soeurs. Essayant de prendre mon courage à deux mains, je m'étais répétée sur le trajet ce que je devais dire pour annoncer ma relation. En appuyant par A + B mes propos, en comparant à ce qu'on avait appris dans la Bible pour faire comprendre à mes parents que chaque Amour était accepté par Dieu et que celui-ci en faisait partie. Sauf que là, le choc. Elijah était partie. Elle avait fait son coming-out, notre père avait très mal pris la nouvelle et, après sa remise de diplômes, elle était partie... Comme ça, sans rien dire. Autant avouer, je n'ai rien dit. J'ai même carrément fait l'inverse de tout ce que j'avais prévu.

(eleven) Un coeur en miette, on ne sait sa douleur qu'en le vivant. Qu'en voyant le désespoir dans les yeux de l'être aimé. De la voir se raccrocher à nous alors qu'on sait que c'était ce qu'il fallait faire. Après des vacances sans lui donner de nouvelles, ce fut elle qui vint à ma rencontre en septembre. Je lui ai dit qu'elle était dégoûtante. Que notre relation avait été une erreur. Que les femmes ne devaient aimer que les hommes. Je l'ai vue retenir ses larmes, j'ai caché les miennes... Je l'ai vue partir, détruite par mes mots, et je me suis retenue de tomber à genoux, de lui hurler de revenir. Mais ça aurait été trop dur. Je devais choisir entre ma famille et elle... Ma famille gagnait car c'était mon tout, j'avais besoin de leur reconnaissance, de faire partie d'eux... Sans eux, qu'étais-je, hein ? même s'ils ne savaient pas que je suis homosexuelle, que je souhaite faire les démarches pour devenir un homme... Ils restaient ce que j'avais de plus cher au monde...

(twelve) Treize longues années. ça m'a pris treize longues années pour avoir mon diplôme. Pour devenir chirurgienne. Mes parents étaient fiers de moi, c'était le plus important. J'étais aussi admirative de moi-même : beaucoup arrêtaient. Car les coûts étaient élevés, les bourses de plus en plus rares au fur et à mesure des années. J'ai même dû m'endetter plusieurs fois et jongler entre mon internat, externat ou residency avec un petit travail d'étudiant sur le côté. Mais maintenant, c'était fini. J'avais terminé. Enfin ! Après tant d'années d'acharnement, entrant dans la trentaine, je pouvais enfin vivre ma vie.

(thirteen) Je ne suis pas retournée à Chicago pour y vivre. J'y vais toujours de temps en temps, bien entendu, car mes parents y étaient. Mais sinon, je suis plutôt partie pour Concord, une ville pas loin de Boston. Un de mes professeurs y connaissait quelqu'un et l'hôpital recherchait une chirurgienne. M'en jugeant capable, il me fit passer un entretien - avant même que je n'ai mon diplôme - et me permit ainsi d'avoir mon premier emploi. De ne pas devoir courir partout en montrant mon diplôme et mes divers résultats.

(fourteen) J'ai acheté ce qu'il y avait de plus simple, le mieux que je pouvais m'offrir avec le peu que j'avais. J'ai emménagé dans cette nouvelle ville, récemment, prête à commencer une nouvelle vie. J'ai toujours du mal avec mes secrets, avec cette obligation de me faire passer pour une femme, fière de l'être et portant des vêtements féminins par moment - même si, lorsque je me voyais dans cet accoutrement, je me trouvais horrible -, à parler de moi au féminin, à être attirée par la gent masculine... Tout ça n'était qu'un poids mais je m'y étais habituée. Même si, sans, je savais que je serai bien plus heureuse et que je ne regretterai plus le passé...

(fifteen) Anecdote complétement inutile mais, la première chose que j'ai fait, après avoir emménagé, c'était de me tatouer. Avec quel argent ? Le peu que j'avais économisé et que j'avais gardé car je les voulais. Je voulais cette rose des vents sur mon poignet, cette étoile sur le ventre et ces mots à l'intérieur du bras. Des dépenses inutiles pour certain, un moyen de faire de ce corps un peu plus le mien qu'il ne l'est pour le moment. De toute façon, tant que je ne ferai pas les démarches pour changer de sexe, rien ira...

PSEUDO » Casey. PRÉNOM » TOP SECRET M’SIEUR ÂGE » 22 ans ! PAYS » Beeeeeelgiuuuuuum FREQUENCE DE CONNEXION » Un maximum possible ? PERSONNAGE » Prélien de @Elijah East OU AS-TU TROUVE LE FORUM ? » Elijah et Eileen (enfin, d’abord, Eileen puis Elijah) UN DERNIER MOT ? » ELLES M’ONT EUES !!!!!